Les hauts et bas fulgurants d’une carrière de scénariste

Comme tous les professionnels du spectacle, le scénariste connait une carrière en montagnes russes, alternant instants de gloire , au cours desquels il se sent dans les bottes d’une rock-star, et grosses baisses de régime (et de moral) qui le rabaissent au rang d’insignifiant parasite aux yeux du monde extérieur.

Mais avez-vous remarqué que ces hauts et ces bas s’alternent parfois de façon vertigineuse, au point de cohabiter au sein d’une même phrase?

Ceux d’entre vous qui exercent déjà le beau mais cruel métier de scénariste savent pertinemment de quoi je parle, et, s’ils prétendent le contraire ce sont de sacrés veinards ou, vraisemblablement de gros menteurs. J’ai déjà tenté, à maintes reprises d’avertir les autres, c’est à dire les aspirants auteurs, alias newbies enthousiastes, qu’une vie de scénariste, ce n’est pas tous les jours Byzance.

Depuis que vous suivez cette chronique, vous savez qu’aux yeux de votre belle-famille, vos amis, votre banquier et votre poisson rouge vous serez toujours, au mieux un doux rêveur, au pire, un inactif. C’est ir-ré-mé-dia-ble! Intéressons nous donc aujourd’hui à ce qui se passe avec le reste du monde. La bonne nouvelle, ce qu’en ce domaine, rien n’est joué d’avance. La mauvaise, c’est qu’il faut sacrément s’accrocher!

Petite démonstration.

Avec un adolescent (ou pré-adolescent):

Quand vous lui annoncez (ou quand votre fils/ fille annonce à un copain) que vous êtes scénariste, vous devenez soudain la personne la plus cool au monde (haut)… jusqu’au moment (dix secondes plus tard) ou vous devez lui répondre que non, ce n’est pas vous qui avez écrit Lol (bas).

Mon conseil pour éviter la chute: Ajoutez derechef qu’on vous avait bien proposé d’adapter pour l’écran la saga Twilight, mais que avez généreusement glissé le nom de Melissa Rosenberg, étant à cette époque sur un « beaucoup plus gros truc ». Quoi c’est un mensonge, et ALORS? Vous n’avez pas fait toute cette histoire au sujet du Père Noël ou de la Petite Souris que je sache! Notez toutefois que ce bobard sera bien plus efficace sur un individu de sexe féminin. Avec un garçon, jouez plutôt la carte Harry Potter ou Spiderman…

Avec votre boulangère:

Vous avez écrit le dernier film avec Gérard Depardieu, ou Daniel Auteuil, Patrick Bruel… (haut) MAIS ne l’ayant jamais rencontré, puisque vous évitez sagement de fréquenter les tournages, vous ne pouvez en conséquence lui procurer une photo dédicacée du grand homme (bas!).

Mon conseil pour éviter la chute: Changez de boulangerie car la commerçante ne manquera pas de répandre la mauvaise nouvelle auprès de toute sa clientèle. Si l’adresse est vraiment excellente, ou si c’est la seule boulangerie de votre quartier, il ne vous reste qu’une seule solution: bidouiller vous-même un faux autographe à l’aide d’une photo téléchargée sur le Net.

Avec votre voisin /votre concierge:

Vous bossez « dans le cinéma » (haut!) MAIS vous ne pouvez pas « pistonner » son petit neveu Raoul qui rêve de devenir acteur (bas). Autant dire qu’à l’avenir, le brave homme vous saluera à peine dans la cage d’escalier…

Mon conseil pour éviter la chute: Remuez ciel et terre pour décrocher une figuration au dit Raoul sur le court-métrage d’un de vos potes . Si vous n’y parvenez pas, vous pouvez toujours tenter le coup du pseudo autographe mais la démarche est risquée.

Avec votre conjoint(e):

Vous venez d’écrire les meilleures pages de toute votre carrière (haut) MAIS vous avez oublié (au choix) de faire les courses, aller chercher les gosses à l’école, préparer le repas (bas!)…

Mon conseil pour éviter la chute: Très honnêtement? Aucun, vous êtes totalement fichu! Et par pitié, n’essayez surtout pas d’arranger les choses en lui proposant de lire votre prose!


Je sais, ce n’est pas très reluisant comme constat, mais rassurez-vous, ça marche parfois dans l’autre sens!

Avec le/la représentant(e) d’une administration:

En remplissant un formulaire, quand vous lui annoncez que vous êtes scénariste, il/elle lève le sourcil, vous dévisage et vous rétorque qu’il/elle ne sait pas « ce que c’est comme métier » (bas, vous êtes habitué), mais, cinq minutes plus tard, après vérification dans la classification de l’INSEE, il/elle découvre, et vous avec lui/elle que le métier de scénariste appartient très officiellement aux professions intellectuelles supérieures (haut!!!!).

Avec votre kinésithérapeute

Quand, au-dessus de votre pauvre dos meurtri, à bout de sujets de conversation, il/elle vous demande « ce que vous faites dans la vie », et que vous lui annoncez que vous êtes scénariste, vous sentez bien, même si c’est dans votre dos, qu’il/elle vous regarde de travers (bas). Mais quand, se forçant à maintenir la discussion, il/elle apprend que (énorme coup de bol), vous avez justement écrit un obscur téléfilm (ou épisode de série) qu’il/elle a revu la semaine dernière, vous devenez sur le champ ZE VIP de sa clientèle (haut). Bon, il/elle vous avouera par la suite qu’il n’était pas terrible ce téléfilm, mais qu’importe, star à ses yeux vous resterez!

Avec votre progéniture:

Vos derniers droits de diffusions ne suffisent pas pour lui payer la nouvelle console vidéo dernière génération « qui déchire sa race » (bas!!!) MAIS vous pouvez l’emmener sur un vrai tournage, avec de vrais acteurs, même qu’avec un peu de chance il/elle pourra faire « de la figu » dans une scène (haut). Bon, quand je parle de tournage, il est bien entendu que j’évoque celui d’un de vos potes, surtout pas celui d’un film / téléfilm que VOUS avez écrit!

Et avec votre conjoint(e)?

Le meilleur moyen de rattraper une énorme boulette du genre avoir oublié (au choix) de faire les courses, aller chercher les gosses à l’école, préparer le repas (bas!) est encore de lui annoncer que vous venez de signer un gros contrat (haut, champagne!), mais attention, hein, un VRAI contrat, pas une simple option (la cinquième cette année). A force de vivre aux côtés d’un(e) scénariste, vous en l’occurrence, il en faut beaucoup pour l’impressionner!

Copyright©Nathalie Lenoir 2010

Cet article a été publié en janvier 2010 dans le cadre de la chronique « Bigger than fiction » du blog Scénario-Buzz.com.