A quoi reconnait-on un(e) scénariste?

Les belle-mères, voisins, banquiers, boulangères, pharmaciennes et poissons rouges le savent bien, scénariste, ce n’est pas un vrai métier. Une rumeur insidieuse voudrait qu’ils soient pourtant quelques centaines, en France, à se réclamer de cette activité professionnelle honteuse.

Plusieurs centaines?! Oh my god! Tremblez respectables travailleurs, l’invasion vous guette! Peut-être côtoyez-vous déjà, sans le savoir, l’un de  ces marginaux infâmes! Comment faire pour les reconnaitre?  C’est très simple, suivez le guide…

Rien de plus redoutable qu’un ennemi qui avance masqué, aussi faut-il s’exercer à le reconnaitre si l’on veut s’en tenir éloigné. Voici une liste (non exhaustive) de signes qui devraient à coup sûr vous alerter de la présence d’un scénariste dans vos parages. Ayez l’œil, et le bon!

Le (la) scénariste prend des notes. Tout le temps, partout. Il se trimballe en tout lieu et toute situation, (voiture, métro, lit, canapé, voire salle de bain pour les cas les plus graves) avec un calepin et un crayon, de peur d’oublier la brillante idée susceptible de l’assaillir à l’improviste. L’illumination lui vient sous la douche (big up à mister S. aux yeux sombres) et il se précipite, tout plein de mousse, sur le dit carnet, au risque de se péter une jambe (big up à moi-même). Elle lui vient la nuit et il rallume la lampe de chevet, réveillant son chat et son (sa) partenaire de couette, plus communément appelé(e) conjoint(e), pour noter, et dans le détail, cette fabuleuse piste d’intrigue, scène, dialogue, pitch, que sais-je encore. Elle lui vient en voiture, dans le train, à cheval, chez l’épicière, pendant le spectacle de fin d’année de ses gosses, au cinéma, à la piscine, chez le kiné (pas simple alors de prendre des notes!) ou pendant qu’il est au téléphone avec son ami Dédé, celui qui est au chômage et dont le couple bât sérieusement de l’aile. A quoi reconnait-on un scénariste « bankable? Il a remplacé le calepin par un dictaphone!

Le (la) scénariste lit. Tout le temps, partout et plusieurs ouvrages à la fois. C’est qu’il faut bien la nourrir, la boîte à idée! Les livres en cours, ou à lire, sans oublier les revues diverses et variées en rapport avec le cinéma, l’audiovisuel, ou quelque projet d’écriture, s’empilent sur la table de nuit, le bureau, mais aussi la table du salon ou de la cuisine. Le (la) scénariste râle parce qu’il manque de temps pour tout lire et son (sa) conjoint(e) râle parce qu’il (elle) en a MARRE de voir trainer les dits bouquins partout.

Le (la) scénariste a toujours un texte à faire lire à son entourage. Et quand ses proches émettent un avis, forcément constructif, sur sa prose, cet ingrat prend la mouche!

Le (la) scénariste est insomniaque. Forcément, avec autant de choses à noter, lire et, accessoirement écrire, les journées ne sont jamais assez longues.

Le (la) scénariste est distrait. A force d’être absorbé par ses fabuleuses idées, il en oublie souvent:

  • de déjeuner
  • de nourrir le chat mais heureusement il n’oublie pas, lui, de le lui rappeler
  • d’éteindre le feu sous la casserole (ou de l’allumer, au choix), ce qui fait que ses repas sont souvent brûlés ou froid
  • de préparer le dîner familial (comme ça au moins, le problème précédemment cité est réglé!)
  • d’étendre le linge qui moisit dans la machine
  • de faire les courses
  • d’aller chercher le courrier
  • l’heure de sortie d’école ce qui fait qu’il est toujours le (la) dernier(e) à se présenter devant les grilles, échevelé(e), essoufflé(e) et parfois mal fagoté(e), son précieux calepin à la main (on ne sait jamais)
  • la date des fêtes scolaires (big up à miss M.)
  • la date des vacances scolaires (big up à moi-même)
  • où il a oublié, euh rangé ses affaires

Le (la) scénariste fait des listes. Tout le temps, partout, à tout propos. Tâches du jour, bibliographies, filmographies, producteurs à démarcher, avancement des divers projets en écriture, scènes à scènes, caractéristiques de tel ou tel personnage… C’est bien simple, c’est le roi (la reine) de l’organisation professionnelle. Si seulement il (elle) faisait preuve d’autant de rigueur domestique!

Le (la) scénariste déteste:

  • les vacances scolaires (avec les gosses dans les pattes, impossible de bosser)
  • les vacances tout court (avec les gosses ET le conjoint(e) dans les pattes, impossible de bosser), ce qui fera d’ailleurs l’objet d’une prochaine chronique
  • les démarcheurs (big up à celui qui vient juste de m’interrompre!)
  • son pote Dédé, celui qui est chômage et dont le couple bat de l’aile, qui lui tient la jambe des heures au téléphone
  • sa concierge, la boulangère, les petites vieilles du quartier qui lui tiennent la jambe des heures dès qu’elles peuvent le (la) coincer sous prétexte qu’il (elle) doit avoir le temps puisqu’il (elle) ne travaille pas, oups, travaille à domicile
  • les réunions familiales de peur de devoir s’entendre reprocher de ne pas exercer un vrai travail, ce qui fait qu’il (elle) est obligé(e) de se saouler copieusement pour survivre à l’épreuve
  • aller à la boulangerie, à la pharmacie, à la banque, où il (elle) devra à coup sûr expliquer ce que c’est un scénariste
  • être convoqué chez le banquier ou le directeur d’école puisqu’il (elle) s’y fera à coup sûr sermonner d’exercer une profession qui n’en est pas une

Le (la) scénariste connait tous les potins du quartier et de la cour d’école, à force de se faire tenir la jambe par sa concierge, la boulangère, les petites vieilles et de subir chaque soir le débriefing très détaillé de sa progéniture puisqu’il (elle) ne travaille pas, oups, travaille à domicile.

Le (la) scénariste est un(e) petite chose sensible. La preuve?

Il (elle) pleure quand il remplit sa déclaration de revenus.

Il (elle) pleure quand il reçoit ses droits de diffusion (bon, certaines scénaristes les claquent en chaussures mais c’est une autre histoire et oui, bon d’accord, j’ai, euh cette personne a honte et ne le fera plus).

Il (elle) pleure quand: sa connexion Internet est dans le zef toute une journée (Pourquoi, ô mais pourquoi?!!!), son ordinateur plante pour la quinzième fois en une heure (Saloperie de machine de merde!!!!), sa bouilloire électrique rend l’âme (COMMENT bosser dix ou douze heures sans thé ou café, hein?), il n’y a plus de chocolat (chacun ses vices!)…

Il (elle) pleure quand son nom est oublié: au générique d’une des œuvres qu’il a signées, lors de la promotion de la dite œuvre, sur la liste des invités de la fête de fin de tournage.

Il (elle) pleure quand son nom est crédité au générique d’une œuvre massacrée au tournage ou au montage, sous la pression du diffuseur.

Il (elle) pleure quand un de ses gosses tombe malade juste la dernière semaine avant un deadline (Pourquoi, ô mais pourquoi?!!!).

Il (elle) pleure quand son gosse lui demande pourquoi la super série d’animation qu’il écrit depuis des mois, après commande chez un gros producteur et aval du CNC ne sera finalement pas diffusée (big up à ma fille).

Il (elle) a pleuré quand notre Président a décide de supprimer la pub sur les chaines du service public. Il parait même que certains ne s’en sont toujours pas remis…

Ouais, ça n’a pas l’air marrant, une vie de scénariste, preuve qu’il faut être VRAIMENT BIZARRE pour exercer une telle activité! Tiens, parlons-en justement, du scénariste au travail!

Au travail

Le (la) scénariste au travail a toute sortes de manies et rituels étranges, preuves s’il en faut que ce n’est pas une personne recommandable:

  • Il (elle) a donné un « petit nom » à son ordinateur, le dépoussière amoureusement le matin, s’inquiète de sa santé au moindre signe de faiblesse, lui dit bonjour quand il l’allume et bonsoir quand il l’éteint!
  • Il a choisi un ou des chats comme co-scénariste(s)!
  • Il a embauché un lapin comme assistant!
  • Il collectionne les dictionnaires.
  • Il connait au moins cinq synonymes de chaque mot.
  • Il passe ses textes au correcteur grammatical et orthographique, mais aussi ses mails, ses statuts Facebook et ses tweets avant publication!
  • Sur son bureau, il y a plus de stylos multicolores, cahiers de toutes tailles et fournitures diverses que sur celui de ses enfants!
  • Il fait des soi-disant recherches sur des sujets aussi éclectiques que bizarres!
  • Il fait partie d’inquiétantes sectes appelées Union Guilde des Scénariste ou Club des Auteurs!
  • Il emploie un jargon incompréhensible à base de CNC, SACD, SCAM, V1, V2, PAD, UGS, CDA, FIA, Agessa, Afdas, Final Draft, j’en passe et des meilleures!
  • Il vénère des gourous (appelés aussi script-doctors) du nom de Robert McKee ou John Truby!

Chez le médecin

Le (la) scénariste souffre de surmenage chronique et de diverses pathologies générées par le stress, bel performance, n’est-ce pas, pour quelqu’un qui ne travaille pas, oups, travaille à domicile.

Le (la) scénariste souffre de maux de dos, c’est bien fait pour ce(tte) gros(se) fainéant(e) qui passe la journée le cul sur un fauteuil!

Le (la) scénariste souffre de fatigue oculaire à force de passer sa vie derrière un écran d’ordinateur. Ceci expliquant cela, le (la) scénariste est obligé de porter des bésicles, au moins pour travailler (enfin travailler…)

Le (la) scénariste souffre de fréquentes blessures narcissiques. Ça lui apprendra à être un parasite, tiens!

Le (la) scénariste souffre parfois d’une terrible maladie contagieuse, la procrastination, plus communément appelée flemmingite aiguë.

Le (la) scénariste souffre de diverses pathologies mentales telles que le complexe de l’artiste maudit, l’optimisme galopant du newbie enthousiaste ou le stakhanovisme manifeste.

Quand il (elle) se rend chez un psychanalyste, le (la) scénariste est celui (celle) des deux qui prend le plus de notes!

Vous l’aurez compris, vous les honnêtes travailleurs, le (la) scénariste est une créature atroce et très peu fréquentable. Si une personne de votre entourage manifeste au moins trois des symptômes précédemment énumérés, je ne saurais trop vous conseiller de prendre la poudre d’escampette car quel que soit son profil, vous êtes très certainement en présence d’un(e) scénariste!

Si, dans un élan de commisération, vous décidiez d’aider ce pauvre être à prendre conscience de sa triste condition, je vous recommande de lui offrir cet ouvrage. Qui sait, ce sera peut-être pour lui (elle) un premier pas vers la rédemption?

Copyright©Nathalie Lenoir 2010

Cet article a été publié en avril 2010 dans le cadre de la chronique « Bigger than fiction » du blog Scénario-Buzz.com.