Coup de coeur pour le dernier film de Joann Sfar

En règle générale, vous le savez, j’évite de chroniquer les sorties cinéma, en particulier les films hexagonaux. Le cinéma français étant mon gagne-pain, c’est toujours délicat de choisir de mettre un film en lumière plutôt qu’un autre.  Cela ne serait pas très partial et cela pourrait provoquer quelques vexeries et aigreurs d’estomac si vous voyez ce que je veux dire. ^^

N’empêche qu’aujourd’hui je vais déroger à la règle et vous dire tout le bien que je pense de La Dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil, parce qu’il est primordial que l’on continue à voir -et donc produire- ce genre de films en France…

Faire du cinéma en France, pour le commun des mortels, des cinéastes quoi, cela se résume à un choix drastique: viser un gros distributeur et donc se voir expliquer que « notre projet est génial mais pourquoi ne pas plutôt faire une comédie », ou opter pour le circuit « cinéma d’auteur ». Et là, à moins d’avoir un nom, notre film, si tant est qu’il voie le jour, ne bénéficiera pas d’une promo digne de ce nom, sortira dans une dizaine de salles/France, à raison de deux ou trois séances hebdomadaires. Bon je grossis volontairement le trait pour les profanes mais disons que, comme le rappelait très justement Emmanuelle Bercot dans les colonnes de Sofilm, en France aujourd’hui, « on réécrit en permanence pour telle ou telle commission au lieu d’écrire dans l’intérêt de son film ».

Autant vous dire que quand un réalisateur, annonce qu’il va adopter un roman sombre et paranoïaque, à l’intrigue complexe et déstructurée, qui se déroule sous forme de road movie, dans les années soixante, et que son film sera porté par une jeune actrice quasi inconnue, beaucoup de portes se ferment. 😉

Très peu de cinéastes français peuvent convaincre des chaines de préacheter ce genre de films. Joann Sfar est de ceux-là et il a relevé le défi avec brio.

La Dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil est un polar tour à tour solaire et glacial, un film d’une grande sensualité qui repose sur un scénario impeccable, que Gilles Marchand et Patrick Godeau ont tiré d’un roman de Sébastien Japrisot.

Comme dans tous les films de Joann Sfar, l’esthétique est à tomber, on y sent l’influence de cinéastes comme Michelangelo Antonioni et on y croise le fantôme de l’immense David Bailey le temps d’un shooting très particulier. Ajoutez à cela des décors et costumes somptueux, une équipe technique et un casting qui frisent la perfection et vous aurez un grand beau film. Un film ambitieux qui privilégie l’artistique à un aspect purement commercial.

Car non ce n’est pas un film « grand public » (pourtant on peut l’apprécier sans être un pur cinéphile), « familial » (pourtant il peut séduire ados comme adultes), un film popcorn, un pur divertissement (mais rassurez-vous on ne s’ennuie pas une seconde, bien au contraire). C’est un vrai film d’auteur, mais avec des sous, cela devient assez rare pour être noté. 😉

Je ne saurais que trop vous encourager à vous ruer en salles, parce que le film est génial bien entendu, mais aussi parce qu’il est primordial qu’il fasse beaucoup d’entrées, histoire que cela ouvre la porte à d’autres projets ambitieux…

httpvh://youtu.be/DzT_uI4MJ7s

Merci Joann Sfar pour cette leçon de cinéma exigeante mais ludique, votre film m’a fait grandir en tant que spectatrice et cinéaste. 🙂

Copyright©Nathalie Lenoir 2015



Follow Nathalie_Lenoir on Twitter