Croiser Larry Clark
Jeudi soir dernier, j’ai eu le grand privilège d’assister à la masterclass Larry Clark, organisée au Gaumont Ursulines par Horschamp. Bonheur!!!
Comme je vous l’expliquais il y a quelques temps, Larry Clark fait partie des artistes sans lesquels je n’aurais peut-être pas osé créer moi-même, l’un de ceux qui me donnent la force de continuer à écrire et mettre en images en cette période ultra formatée.
Depuis les 90’s et mon adolescence, il est l’un de mes mentors, aussi bien en matière de photographie que de filmmaking. J’aime ce vieux punk, provocateur mais sensible, ce vieil ado infatigable, ce poète de l’image.
Autant vous le dire, jeudi soir, il a été fidèle à sa réputation de bout en bout: renfrogné et provocateur (il a bien bizuté les jeunes modérateurs, qui n’ont pas démérité), masquant sa timidité derrière chapeau et lunettes noires, mais aussi passionné, généreux, artiste jusqu’au bout des ongles.
J’étais arrivée bien à l’avance, afin de squatter une bonne place, et j’ai pu m’installer à l’avant de la salle, juste en face de Larry C., ce qui nous a valu quelques échanges de regard très chargés en émotion, en ce qui me concerne, notamment quand il expliquait « aux cinéastes dans la salle » qu’il viendra le moment de filmer le projet, ou le passage qui nous est le plus cher, celui pour lequel on aura travaillé des mois, des années, celui pour lequel on aura tenu, tout ce temps, et que pour une raison ou une autre, ce projet, ou cette scène sera bousillé(e), et impossible à filmer. Que faire alors, ajouta Larry, rentrer chialer chez soi ou trouver un moyen de rebondir, de tourner quand même, autre chose, autrement? Et moi de verser ma petite larme dans la salle. 😉
Bref, c’est aussi pour ça que je l’aime et le respecte, c’est quelqu’un qui revient de très loin, un mec qui a appris le skate à quarante-sept piges afin de pouvoir approcher les jeunes qu’il souhaitait filmer. Respect!
C’était beau, de le voir réclamer qu’on arrête de blablater pour regarder des extraits de son travail, seuls moments où il a enlevé ses lunettes, captivé par l’écran. Cela n’avait rien de mégalo, j’avais plutôt la sensation qu’il revivait l’adrénaline et l’émotion de ses tournages.
Il a beaucoup été question, lors de cette masterclass, du dernier opus de Larry Clark, The Smell of us, au tournage complexe (bien plus court que prévu, réécrit en cours de route suite au pétage de plomb du cast), dont le producteur, Pierre Paul Puljiz (qui a aussi travaillé avec Jonathan Caouette, mouraaance), est venu nous parler avec beaucoup de générosité, mais sans langue de bois: en France, tout le métier chante les louanges de Larry Clark mais personne ne veut financer ses films. Ils n’étaient d’ailleurs pas nombreux, « les gens de cinéma », dans la salle. Et Larry Clark de nous expliquer que le rôle qu’il interprète était destiné à « ce connard de Pete Doherty », je ne vous rapporterai pas toute l’anecdote mais elle est savoureuse. 😉
La soirée s’est achevée sur une intervention surréaliste de l’actrice Dominique Frot, émouvante et bien perchée, qui a évoqué le tournage d’une scène, épique et improvisée.
Contrairement à Patti Smith et Gus Van Sant, je n’ai pas osé aller échanger quelques mots avec le cinéaste, à la fin de la masterclass. Je ne le sentais pas avide de contact direct avec l’audience. Mais cela n’a gâché en rien mon bonheur. J’ai quitté la salle en larmes, des larmes de bonheur bien entendu, et des larmes de résistance. 😉
Copyright©Nathalie Lenoir 2017