Mettre son travail dans des cartons

Ces quatre dernières semaines, on m’a copieusement abreuvée de « tu vas à Cannes? », « à quelles dates seras-tu à Cannes? », puis de « viens-tu à telle projo cannoise? ». C’était bien gentil/tentant tout ça, sauf que moi, depuis quatre semaines, je cumule deux carrières: auteure-réalisatrice et… déménageuse. Pas très glamour cette nouvelle casquette, sauf qu’elle s’est révélée passionnante, créativement parlant…

Bon alors je vous rassure tout de suite: non, je ne compte pas écrire un énième film sur les joies et mésaventures liées aux déménagements. ^^

Mais mettre dix ans d’écriture dans des cartons s’est avéré une sacrée expérience dans ma vie d’auteure. En me mettant à la tâche, j’étais simplement focalisée sur la problématique « passer d’un bureau privatif de seize mètres carrés à un tout petit coin de chambre ». Il y a beau avoir d’immenses bibliothèques dans mon nouvel appart, plus celles qui vont bien entendu déménager avec moi, tout n’allait pas tenir. Sans doute inspirée par la grande mode des « detox penderie » dont nous abreuvent les magazines, je me suis lancée dans une séance de détox bureau intensive.

chat étagère

Dharma a recyclé mes étagères en parcours d’accrobranches, normal…

Première étape: vider mes bibliothèques et mon bureau, faire le tri dans mes bouquins, et surtout, dans mes archives. Quelques dizaines d’heures, de bleus, bosses et coupures plus tard, j’avais emballé une quarantaine de cartons, mais surtout, balancé autant de kilos de paperasses et magazines (qui bien entendu seront recyclés, n’empêche que c’est n’importe naouac). Grandes résolutions pour mon retour à la vie parisienne: 1. passer aux abonnements tablette et 2. ne plus imprimer ma documentation, même sur du papier brouillon recyclé, le PDF est désormais mon seul ami.

cat in box

Buffy, inspectrice des travaux finis…

C’est passionnant tout ça me direz vous, merci de nous avoir fait perdre notre temps avec ces banalités. Attendez, chers lecteurs, vous répondrai-je, c’est là que ça devient intéressant.

Le truc, donc, c’est qu’au fil de tout ce déballage/emballage, j’ai revisité toute une vie d’écriture, de mes gribouillis d’ado à mes projets en cours, en passant par unitaires, films et bibles ou épisodes de séries, dont certains ont vu le jour, d’autres pas, évidemment. Pour certains de ces textes, j’ai réalisé avec le recul que c’était une très bonne chose (oh punaise, la honte), pour d’autres j’ai eu la bonne surprise de les trouver plutôt bien ficelés, même des années plus tard, ce qui est plutôt gratifiant. Le plus troublant, c’était de relire des projets qui ont capoté, à mon grand désespoir à l’époque, alors que je les avais quasiment oubliés depuis (comme quoi le recul a du bon). Plus étonnant encore: j’ai redécouvert des DIZAINES de textes que je ne me souviens carrément pas d’avoir écrits. Et pourtant ils sont bien de moi, l’écriture et le ton sont reconnaissables.

Dans des vieux carnets à idées (vous savez que je les collectionne), je suis tombée sur des sujets vraiment chouettes, et j’ai réalisé au passage, qu’il m’était arrivé d’avoir la même « idée inédite », deux fois de suite, à dix ans d’intervalle. J’en entends qui évoquent Alzheimer dans la salle, je ne relèverai même pas. 😉

Cette longue visite du fantôme des écrits passés m’a fait un bien fou, elle a réveillé certains projets enfouis et m’a permis de m’auto-congratuler dix secondes pour tout le travail accompli (non parce qu’un(e) scénariste n’est jamais félicité par personne hein, surtout dans son entourage). Dans quelques jours je déballerai mes cartons dans mon nouveau chez moi, je pesterai parce que mon bureau est tout petit et que bordel de merde, ou vais-je pouvoir caser mon imprimante, mais je serai revigorée de la boite à idées. Ce sera un peu comme cumuler l’enthousiasme de l’auteur débutant et les bienfaits de l’expérience.

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Kick-Ass est le plus perturbé de mes co-auteurs…

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Je crois qu’il a peur que j’oublie ses affaires! 😉

Autre grande résolution pour mon retour à la vie parisienne: réitérer cette rétrospective dans quelques années, sans avoir besoin de déménager.

Copyright©Nathalie Lenoir 2015