Portrait chinois: John Truby

Il est, outre-Atlantique, l’un des script-doctors les plus plus respectés et sera de retour à Paris les 4, 5 et 6 février 2009, pour animer son séminaire Anatomie du scénario. Sur vos Ecrans offre à ses lecteurs une belle exclusivité de Noël, le portrait chinois de John Truby.

S’il n’a officiellement signé en tant que scénariste qu’un épisode de la série 21 Jump street, John Truby aurait officié, en tant que consultant, sur un millier de films, sitcoms ou téléfilms.
Il enseigne la dramaturgie à Los Angeles, au sein du “Truby’s writers Studio”, et lors de séminaires à travers le monde. Il a signé divers ouvrages, dont The anatomy of story qui a donné naissance à la master class éponyme.

Après une première édition française au printemps 2008, puis une seconde en l’été suivant, John Truby reviendra en France animer son fameux séminaire “Anatomie du scénario” en février 2009. Il a accepté de se prêter à l’exercice du portrait chinois pour Sur vos Ecrans.

Bonjour John, quel a été le premier film qui vous a marqué ?

Probablement The Kid, de Charles Chaplin (scénario & réalisation). J’ai découvert ce film à l’école élémentaire, au moment de Noël, je devais avoir six ou sept ans. Le genre de moments qu’on ne peut jamais oublier.

Quel est votre film favori?

The Godfather (Le parrain en VF) de Francis Ford Coppola (scénario: Francis Ford Coppola et Mario Puzo d’après son roman éponyme) est l’un de mes favoris. Lors de mon séminaire, j’évoque l’une des raisons majeures de la popularité de ce film. The Godfather n’est pas seulement le portrait de la Mafia américaine des années quarante, le film décrypte la mise en place d’un système moral basé sur le business et la guerre. Des répliques comme “I’ll give him an offer he can’t refuse” (”je vais lui faire une offre qu’il ne pourra pas refuser”), “It’s not personnel, it’s business” (“Ça n’a rien de personnel, ce sont les affaires”), et “Keep your friends close and your enemies closer” (“Garde des amis près de toi, et tes ennemis encore plus proche”), sont le catéchisme d’une réinterprétation américaine moderne du Prince de Machiavel.

Pourriez vous citer une comédie que vous aimez et nous dire pourquoi?

Tootsie de Sydney Pollack (scénario: Don McGuire, Larry Gelbart & Murray Schisgal) est ma comédie favorite. Certes, le film exploite les situations comiques suggérées par la prémisse: un homme qui se travestit et se fait passer pour une femme. Mais les auteurs vont bien au-delà de ce genre d’attentes en utilisant la stratégie du protagoniste pour illustrer comment les hommes jouent le jeu de l’amour de l’intérieur. Le héros, Michael, est un chauvin qui est obligé d’endosser le costume qu’il a le moins envie de porter -celui d’une femme- mais aussi celui dont il a le plus besoin pour grandir. Tootsie est une superbe démonstration de la manière de prendre le contrepied de la prémisse afin de transcender un genre.

Et en ce qui concerne le thriller?

Parmi les films récents, j’ai beaucoup apprécié Michael Clayton de Tony Gilroy (scénario & réalisation). Le scénariste, Tony Gilroy, est un maitre du thriller. Il a combiné le thriller à l’action dans la trilogie Jason Bourne, et il le mêle à présent au drame social dans Michael Clayton. La combinaison n’est pas évidente parce que ces deux genres sont diamétralement opposés. Le thriller repose sur l’urgence. Le drame sur des évènements délibérés. Le thriller entretient le flou, le mystère jusqu’à la grande révélation finale alors que pour le drame, tous les aspects de la résolution reposent sur la discussion. Et Gilroy combine tous ces aspects sans que l’on voie les “coutures”.

Quelles séries télévisées appréciez-vous?

De nos jours, une part considérable des meilleurs scénarios sont écrits pour la télévision, et Mad Men en est un parfait exemple. Cette série repose sur l’un des univers les plus originaux, les plus complexes, que l’on ait jamais vu sur petit écran, une agence de publicité new-yorkaise des années soixante. Au lieu de faire une série qui repose sur une motivation simple et répétitive, chaque épisode est structuré sur une motivation plus nébuleuse, mais en forte résonance avec notre époque. Ces hommes vendent du désir. Même s’ils se payent la tête des pauvres idiots qui l’achètent, ces personnages veulent que cette image utopique de l’”american way of life” qu’ils vendent soit authentique.

Quels films avez-vous l’intention de voir dans les prochaines semaines?

Slumdog Millionaire a reçu de nombreux éloges, et j’aimerais voir ce film avant la saison des awards (Golden Globes, Oscars…). Danny Boyle est un remarquable cinéaste et le scénariste, Simon Beaufoy, a déjà signé une oeuvre éclectique.

On parle de The Curious Case of Benjamin Buttons de David Fincher (scénario: Eric Roth & Robin Swicord) depuis des mois déjà. J’ignore si le film sera à la hauteur de tout ce buzz ou si le public sera déçu, mais je souhaiterais vérifier par moi-même.

Je regarde souvent des films français, en particulier à l’approche d’un séminaire sur votre sol. Le prochain sur ma liste est Le goût des autres d’ Agnès Jaoui (scénario: Agnès Jaoui & Jean-Pierre Bacri) Je sais que ce film est déjà sorti depuis longtemps en France mais je n’ai pas encore eu l’occasion de le voir. J’en ai entendu dire le plus grand bien.

Enfin, deux films de Jacques Audiard, De battre mon cœur s’est arrêté et Regarde les hommes tomber. J’ai vu Sur mes lèvres il y a quelques mois et j’ai adoré. C’est un excellent thriller.

John Truby animera la prochaine édition française de son séminaire Anatomie du scénario du 4 au 6 février 2009. Je vous invite à visiter le site officiel pour tout renseignement complémentaire.

Copyright©Nathalie Lenoir 2008

Cette interview a été publiée dans les colonnes du webzine Sur vos Ecrans en décembre 2008