Adaptation littéraire: les auteurs « tendance »
L’adaptation a toujours été, et restera sans doute, une valeur sûre en matière de fictions cinématographique et télévisuelle. Si les producteurs préfèrent ce genre de projets à une œuvre originale, c’est qu’il représente un risque financier moindre, le succès d’un livre devant, en principe, booster l’audience du film (ou téléfilm) éponyme. Force est de constater que cette stratégie s’avère payante la plupart du temps. Crise financière oblige, l’adaptation est plus que jamais une valeur refuge, même si les tendances évoluent. Quels sont les auteurs qui auront le vent en poupe en 2009-2010? Voici un petit tour d’horizon…
Au cours d’une interview, une journaliste me demandait récemment s’il faut adapter. Idéalement non, car on ne dispose pas à sa guise du texte d’un autre auteur mais, en France comme ailleurs, le cinéma est avant tout une industrie et ceux qui la financent se soucient bien peu des considérations purement artistiques ou littéraires. Le soucis premier d’un producteur, d’un futur diffuseur, est de rentabiliser son investissement.
Si le succès d’une œuvre littéraire peut raisonnablement laisser espérer un succès en salles, l’équation est loin de s’avérer aussi simple.
L’adaptation échappe à vrai dire à bien des règles. Il est considéré comme dangereux, voire suicidaire de vouloir adapter un chef d’œuvre de la littérature, puisque le film soutiendra difficilement la comparaison. Il existe pourtant de vibrants contre-exemples, à l’instar de la trilogie The Lord of the Rings, adaptée avec un tel brio par le trio Peter Jackson / Fran Walsh / Philippa Boyens que narration et caractérisation en devenaient bien plus riches que dans l’œuvre initiale.
On pourrait aussi arguer que certains cartons cinématographiques reposent sur des livres totalement médiocres, voire inconnus.
Pour qu’une adaptation littéraire puisse à coup sûr attirer les spectateurs en nombre, encore faut-il que le sujet abordé dans le livre, ou son auteur, soit à la mode.
Les auteurs qui surfent sur les sujets tendances
Comme nous l’avons vu dans un précédent article, l’un des thèmes les plus furieusement en vogue ces derniers mois est celui du vampire. Deux romancières profitent de cet engouement à l’heure actuelle, trustant quasiment ce « marché » à elles seules.
Pendant près de trente ans, Charlaine Harris a signé des romans de gare sentimentalo-érotico-fantastiques sans grand succès. En 2000, elle vend pour tout juste cinq mille dollars les droits de Dead Until Dark, premier tome de ses Sookie Stackhouse novels et oublie l’affaire. Mais l’année dernière, par l’entremise du génial Alan Ball, ce petit roman donne naissance, sur HBO, à l’une des séries les plus excitantes du moment, True Blood. Les droits du second roman, Living Dead in Dallas sont aussitôt achetés (pour un beaucoup plus gros montant), la seconde saison de True Blood entre en production, et la saga Sookie Stackhouse, qui compte déjà neuf tomes, devient un véritable carton d’édition. Je vous invite à lire l’article que le New York Times vient de consacrer au phénomène Charlaine Harris.
En signant la saga Twilight, Stephenie Meyer était loin d’imaginer qu’elle connaitrait un succès comparable à celui de JK Rowling, célèbre créatrice d‘Harry Potter. Après s’être vendus comme des petits pains à travers le monde, les quatre tomes de Twilight sont en cours d’adaptation par la scénariste Melissa Rosenberg. Le premier opus, Twilight, mis en images par Catherine Hardwicke, a été, outre-Atlantique, le film le plus rentable de l’année 2008, devant des blockbusters comme Batman, The dark knight. Le second volet, New Moon (réalisation: Chris Weitz), sortira en novembre prochain et suscite déjà de grosses attentes. Il faut dire qu’il conjugue le vampirisme avec un autre thème furieusement « in »: la lycanthropie!
A noter qu’un outsider, la romancière L.J. Smith, risque de bousculer ce quasi monopole. Elle a signé, dans les années quatre-vingt-dix, une série de bluettes adolescentes sur le thème du vampire, The Vampire Diaries. Surfant sur le raz-de-marée Twilight, son éditeur a réédité la franchise, vendant au passage les droits d’adaptation. La CW lancera la série The Vampire Diaries en septembre prochain. Les premiers trailers circulent déjà sur le Net.
Les auteurs incontournables
Les rares membres de cette élite représentent une tendance de par leur simple nom. Il y a tout d’abord les auteurs classiques, ceux qui ont inventé une manière unique et néanmoins universelle de raconter les histoires. Tandis que notre télévision hexagonale adapte à tour de bras Maupassant, Molière, ou Victor Hugo, qu’Agatha Christie fait toujours les belles heures de sa consœur britannique, l’œuvre de Shakespeare est continuellement revisitée, par des cinéastes des quatre coins du Globe. Il est d’ailleurs sans doute le « scénariste » le plus crédité sur l’incontournable Internet Movie Database!
Mais les auteurs contemporains ne sont pas en reste, loin s’en faut. Il existe une dream team d’écrivains tout aussi prolixes qu’indémodables et les studios Hollywoodiens puisent allègrement dans leurs œuvres dès qu’ils sont en panne d’inspiration…
Depuis son premier roman, Carrie, brillamment adapté par Brian De Palma en 1976 (scénario: Lawrence D. Cohen), la plupart des œuvres de Stephen King ont été adaptées sur petit ou grand écran, notamment The Shinning, Stand by Me, The dead zone, Christine, Misery, The Shawshank Redemption, Dolores Claiborne, The Green Mile, Hearts in Atlantis, ou, plus récemment, 1408 et The mist.
Mais c’est un sacré chalenge que se lance JJ Abrams, puisqu’il envisage de porter à l’écran The dark tower! Il faut dire que la célèbre saga du maître de l’horreur compte sept romans, et donc sept longs-métrages potentiels que le cinéaste souhaite développer avec son complice Damon Lindelof, co-créateur de Lost.
Il n’est pas étonnant que Bret Easton Ellis soit systématiquement adapté sur grand écran, tant son œuvre transpire le cinéma. De Less than Zero à American Psycho, en passant par The Rules of Attraction, l’écrivain brosse le portrait sous LSD d’une société en errance, obnubilée par l’argent, le sexe et la notoriété, une faune bigarée où chacun se définit en fin de compte par ses addictions. Alors que The informers, dont vous pouvez voir une superbe bande-annonce sur le Net, sera très prochainement sur nos écrans, porté par un casting trois étoiles (Billy Bob Thornton, Kim Basinger, Mickey Rourke, Winona Ryder, Rhys Ifans, Chris Isaak…), une adaptation de Lunar Park, la biographie fictive et déjantée du romancier, est d’ores et déjà en chantier. Sortie annoncée en 2011.
Parmi les outsiders, citons Dennis Lehane (déjà quatre romans adaptés, un cinquième en préparation) et Harlan Coben car, s’il n’a vu à l’heure actuelle qu’un de ses romans, Ne le dis à personne porté à l’écran, il comptabilise à l’heure actuelle… quatre adaptations hollywoodiennes en développement!
Un revenant
Peu d’écrivains ont connu tant de revers de carrière, aussi bien vivants que morts. Il a été l’auteur chéri de l’Amérique des années vingt, qui a crié au génie dès ses premières œuvres, un ringard dix ans plus tard, et un véritable paria au moment de sa mort, en 1940. Francis Scott Fitzgerald sera, au cours des décennies suivantes, réhabilité (notamment dans les années soixante-dix) et conspué de façon cyclique. En 2010, vous n’entendrez presque parler que de lui. Beauté, insolence, charisme, brève existence aux relents de souffre (alcoolisme, toxicomanie, bisexualité, plagiat…), histoire d’amour dévastatrice, dont il s’est largement inspiré dans ses œuvres, avec son épouse et muse, Zelda, elle-même écrivain, autant d’éléments qui font de l’écrivain un mythe. Depuis que David Fincher a porté à l’écran l’une de ses œuvres, The Curious Case of Benjamin Button (scénario: Eric Roth & Robin Swicord), Hollywood redécouvre Francis Scott Fitzgerald, qui fut de son vivant, ironie du sort, un scénariste raté. Baz Luhrmann a annoncé son intention de tourner une nouvelle adaptation de son roman le plus emblématique, The Great Gatsby. L’écrivain revivra dans un biopic de John Curran intitulé The Beautiful and the Damned (scénario: Hanna Weg), centré sur ses amours tumultueuses avec Zelda. En attendant d’autres adaptations, les romans de Francis Scott Fitzgerald ont déjà fait une réapparition massive dans les rayons des libraires, et ce, des deux côtés de l’Atlantique…
Les auteurs qui créeront le buzz en 2010
A moins d’habiter sur une autre planète, il vous est impossible d’avoir échappé au buzz gigantesque suscité par la publication de la saga policière Millenium, du défunt auteur suédois Stieg Larsson, et sa transposition cinématographique. Le premier opus vient de sortir sur nos écrans et devrait connaître un large succès en salles. Les deux autres volets de la trilogie sont en développement.
Il a beau avoir signé l’une des meilleures adaptions littéraires à ce jour, Peter Jackson aura finalement eu toutes les peines du monde pour porter à l’écran The lovely bones. Les dix-sept Oscars remportés par la trilogie Lord of the rings et le succès mondial du superbe roman d’Alice Sebold ne constituaient-ils pas des gages suffisants, ou peut-être Peter Jackson s’est-il lassé des rouages de l’industrie américaine? Il est plus vraisemblable que les démêlés juridico-financiers du cinéaste néozélandais avec New Line ont refroidi les patrons des grands studios, car en définitive, le film a été co-produit par une petite structure britannique, Film Four (branche cinéma de la chaîne Channel 4), et WingNut Films, la société du cinéaste. Le scénario est bien entendu co-signé par le trio Peter Jackson / Fran Walsh / Philippa Boyens. La sortie française est prévue le 27 janvier 2010.
Autre film très attendu, l’adaptation par Mark Romanek du best-seller de Kazuo Ishiguro Never let me go (paru en France sous le titre Auprès de moi toujours), une œuvre poétique et amère qui aborde le thème polémique du clonage humain. Le scénario sera signé Alex Garland.
Enfin, sur notre sol, c’est au domaine de l’animation que l’on doit le projet le plus alléchant en matière d’adaptation, la transposition en 3D (via la motion capture) du roman culte de Bernard Lenteric, La nuit des enfants-rois. Scénarisée par Matthieu Delaporte et Alexandre de la Patellière, un tandem qui avait déjà signé Renaissance, mise en images par Antoine Charreyron, cette co-production Onyx Films / Fidélité Films / LuxAnimation / Scope Pictures / Studio 37, actuellement en post-production, a bénéficié d’un budget de vingt-deux millions d’euros. La sortie de ce thriller fantastique est annoncée en France pour le 22 mai 2010. Bernard Lenteric ne pourra hélas pas voir son œuvre portée à l’écran puisqu’il vient de nous quitter.
Il va sans dire que cette liste est loin d’être exhaustive, tant les projets d’adaptations fleurissent jour après jour, mais ce qui est absolument certain, c’est que les projets évoqués dans ces lignes feront couler beaucoup d’encre dans les mois à venir…
Copyright©Nathalie Lenoir 2009
Cet article a été publié en juin 2009 dans les colonnes du webzine Sur vos Ecrans.