Filmer l’intimité
Récemment j’ai vu deux films dont les mises en scène sublimes, mais aussi les promos, m’ont beaucoup interpellée. Ils ont en commun avec le long-métrage dont je prépare activement le tournage la présence essentielle de scènes de nudité et de sexe. Et j’ai le sentiment qu’il y a désormais, en France, deux écoles à ce sujet…
Cet été j’ai eu un coup de foudre, un coup de soleil, pour le Passion simple de Danielle Arbid, que je suis d’ailleurs retournée voir avec mon directeur de la photographie. Outre la beauté du film, et ses incroyables décors, je dois dire que j’ai adoré la façon dont la cinéaste a filmé les scènes de sexe. Elles sont à la fois puissament érotiques et très intimes, au bon sens du terme, c’est à dire qu’elles sont pensées dans le respect total des comédiens, et du public au passage. Cette façon de procéder me parle à 300%.
Cette semaine, j’ai succombé au charme des Olympiades de Jacques Audiard. Je suis totalement conquise par sa poésie moderne et ses magnifiques interprètes, Lucie Zhang et Makita Samba. Mais il y a un aspect qui me chagrine, dans la promo du film, à savoir le très gros accent mis sur l’intervention d’un coordinateur d’intimité, ce fameux poste inventé outre-Atlantique dans le traumatisme (et l’hystérie, parfois) post #metoo. Désolée, mais à mes yeux de filmmakeuse, c’est une hérésie totale de confier à un.e tiers ce qui concerne la direction des comédiens, en particulier quand cela touche à un aspect aussi intime.
Attention, hein, je milite activement pour le respect des acteurs, et sur mes films, je fais toujours en sorte qu’ils se sentent en confiance/sécurité, qu’ils travaillent avec un maximum de bien être, et de plaisir. J’estime que ça fais partie intégrante de mon job de créer ce climat de bienveillance et d’abandon dont mes interprètes auront besoin pour livrer leur performance sans s’abimer au passage. Ayant été comédienne, ado, et subi tout ce que ce métier peut avoir de dégueulasse, je suis on ne peut plus sensibilisée à la cause, et solidaire.
De même que c’est mon job de préparer les scènes de nudité et de sexe de mon long-métrage avec mes comédiens, et mon chef op, de manière à obtenir le meilleur rendu possible à l’écran sans malmener qui que ce soit. Quitte à embaucher une doublure pour certains plans concernant ma jeune héroïne. Ces scènes seront répétées/discutées avec les acteurs habillés, et tournées en équipe ultra réduite. Contrairement à un certain cinéaste que je nommerai pas mais à qui vous allez forcément penser, il est hors de question de trahir mes acteurs à l’écran, de montrer plus que ce qui a été négocié, ou de le montrer autrement.
A chaque cinéaste de décider comment il ou elle souhaite tourner ce genre de scènes, en concertation avec ses interprètes. Et qu’on ne vienne pas me parler de coordinateur.trice d’intimité sur mes plateaux. 😉