Au-revoir et merci, Philippe Nahon
J’apprends avec tristesse que Philippe Nahon vient de nous quitter.J’avais eu le grand bonheur, en 2005, de co-écrire avec Arnaud Cafaxe un documentaire hommage, diffusé sur Ciné-Cinéma et en Espagne. Cet immense comédien, amoureux de son art, était extrêmement généreux et bienveillant avec les jeunes graines. La perte est immense et mon cœur gros…
En 1997, Arnaud Cafaxe est à la recherche « d’une gueule » pour le tournage de son second court métrage, « Rencontres ». Il confie le rôle à Philippe Nahon, qui malgré sa belle carrière s’investit énormément (et bénévolement) auprès de jeunes cinéastes. Impressionné par la prestation et la personnalité du comédien, Arnaud Cafaxe s’intéresse dès lors à son parcours.
Depuis le début des années 70, engagé et volontaire, Philippe Nahon défriche les rôles les plus étranges et devient à l’aube des années 90, avec « Carne », une étoile montante et une source d’inspiration pour une génération de jeunes réalisateurs tels que Gaspar Noé, Mathieu Kassovitz, Guillaume Nicloux, Christophe Gans, Pierre Vinour. Il incarne aussi bien des personnages ordinaires que des rebelles. Il sera tour à tour boucher chevalin dans “ Carne ”, policier dans “ La haine ”, maître de la bête dans “ Le pacte des loups ”, associé de Thierry Lhermitte dans “ Une affaire privée ”, Garde des sceaux suicidaire dans « Supernova ». Il brosse au fil de ses interprétations le portrait de l’homme quotidien, celui qui est absent des écrans, avec sa banalité, ses déviances, celui qui hait la société et les gens qui la composent, qui se sent victime d’une injustice. Cet acteur, au risque de devenir avec l’âge un joli trophée de chasse pour des réalisateurs hors normes, souhaite avant tout continuer de rencontrer des cinéastes passionnés qui seront les moteurs des nouvelles aventures dans lesquelles il veut se fondre, exploser, jouer, enrichir les univers… A la différence des éternels seconds rôles- ces acteurs dont on connaît vaguement le visage sans pouvoir se rappeler le nom – il a une place à part dans le cinéma français.
En 2005, Arnaud Cafaxe décide de consacrer un portrait à ce grand acteur et me demande d’en co-écrire le scénario. Toutes les personnes contactées, dont Matthieu Kassovitz, Vincent Cassel, Pierre Vinour, Guillaume Nicloux, Vincent Monnet, René Féret, Christophe Gans, Christophe Lemaire, Eric Porchet, Jean-Noël Betzler, Blandine Lenoir, Élisabeth Weissman et bien entendu, Gaspar Noé, manifestent un grand enthousiasme pour le projet. Philippe Nahon, de l’acteur fétiche à l’icône sera diffusé à plusieurs reprises en France, sur les chaînes du groupe Cinecinema, et en Espagne, sur la chaine cablée CINEMATK.
La perte est immense, et mon coeur est plein de gratitude pour ce grand monsieur, qui a été une bonne étoile pour notre petite bande de cinéastes en herbe. Ce documentaire reste, aujourd’hui encore, une des plus belles expériences de ma carrière.
Copyright©Nathalie Lenoir 2020